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XXXVIIe journée d'études : voyage au Musée de Dijon

Voyage 2015

Comme… toujours… lors de notre déplacement annuel, le soleil était au rendez-vous pour une sortie qui regroupait 63 participants et devait nous conduire à Dijon. Une intéressante visite guidée nous permit de parcourir le centre historique de la capitale bourguignonne, autour de palais des Ducs et de ses merveilles architecturales : église Notre-Dame, quartier attenant avec la rue Musette, la rue de la Chouette (maison Millière et hôtel de Vogüe), la rue Verrerie et la somptueuse maison des Cariatides (1603), la rue des Forges et ses magnifiques hôtels particuliers (Morel-Sauvegrain, Aubriot, Milsand, Chambellan). Ce fut ensuite un parcours rapide à l’intérieur du palais des Ducs de Bourgogne qui nous permit de traverser les cours de Flore et de Bar, avant d’entrer dans le musée des beaux-arts où notre attention fut surtout centrée sur la salle des Gardes, pièce la plus remarquable du musée. Construite par Philippe le Bon (1419-1467), elle fut restaurée au début du xvie siècle après un incendie et ornée d’une cheminée « flamboyante ». Elle abrite les chefs-d’œuvre provenant de la chartreuse de Champmol, nécropole des Valois, en particulier deux tombeaux magnifiquement restaurés. Au fond de la salle trône celui de Philippe le Hardi (1342-1404), auquel travaillèrent successivement, de 1385 à 1410, les Flamands Jean de Marville (conception générale), Claus Sluter et Claus de Werve son neveu. Le gisant repose sur une dalle de marbre noir soutenue par des arcatures d’albâtre formant « cloître » sous lesquelles veille une assemblée de « pleurants » et de « deuillants » composée de 41 statuettes prodigieuses de réalisme et illustrant bien la société du temps : membres du clergé, chartreux, parents, amis et officiers du prince, tous en costume de deuil, et la tête recouverte du « chaperon », composent le cortège funèbre. Le tombeau de Jean sans Peur (1371-1419) et de Marguerite de Bavière, exécuté de 1443 à 1470 par Jean de la Huerta puis Le Moiturier, reproduit l’ordonnance du tombeau précédent avec une touche moins austère, plus flamboyante.

Deux retables en bois, commandés par Philippe le Hardi pour la chartreuse sont remarquables par la grande richesse de leur décoration sculptée, réalisée par Jacques de Baerze à la fin du xive siècle, peints et dorés par Melchior Broederlam (né à Ypres en 1338). Seul le retable de la Crucifixion a conservé au revers de ses volets les fameuses peintures de Broederlam : l’Annonciation, la Visitation, la Présentation au temple et la Fuite en Égypte ; à l’extrémité opposée se trouve le retable des saints et des martyrs. Entre ces deux retables on remarque le retable de la Passion, d’un atelier anversois du début du xvie siècle. Parmi les portraits des ducs, celui de Philippe le Bon portant le collier de l’ordre de la Toison d’or par l’atelier de Rogier Van der Weyden (vers 1445) est particulièrement intéressant. Ensuite, un parcours rapide dans les différentes salles consacrées à la peinture nous permit de constater toute la richesse et la variété des collections… justifiant à l’évidence une autre visite plus approfondie.

 

Le déjeuner fut pris dans le cadre agréable et cossu du restaurant de la Porte Guillaume, Hôtel du Nord, place Darcy. Le menu comprenait terrine de lapin marbrée aux asperges, sauce ravigote, filet de canette rôti, jus au poivre de Sechuan, mousseline de carottes, émincé de poire pochée, fraîcheur chocolat, tuile dentelle à l’orange, le tout arrosé de vin de Bourgogne et d’un café. Mis en joie par ces solides agapes, et respectant cependant les consignes horaires fixées, les participants étaient prêts à poursuivre le programme de la journée avec la visite de la chartreuse de Champmol et du puits de Moïse, dont le guide fut notre président. N’étant pas médiéviste, mais ayant potassé les bons ouvrages, il sut intéresser son auditoire...

Alors que les premiers ducs de Bourgogne étaient inhumés à Citeaux, Philippe le Hardi, désirant pour sa dynastie une nécropole d’envergure royale, fonda en 1383 la chartreuse de Champmol. Ce fastueux ensemble, réalisé par les meilleurs artistes de l’époque, fut malheureusement détruit en 1793, et avec lui disparurent à jamais la plupart des trésors d’art qu’il contenait. Hormis les tombeaux et retables exposés dans la salle des Gardes du musée des Beaux-Arts et le buste du Christ conservé au Musée archéologique, seules deux œuvres du célèbre sculpteur Claus Sluter (milieu xive s.-1406), chef de file de l’école burgondo-flamande, ont échappé au désastre. Elles sont les joyaux du parc de l’établissement psychiatrique qui occupe depuis 1843 le site du monastère médiéval.

Un édifice hexagonal en brique et pierre du xviie siècle, situé au milieu d’un vaste parterre gazonné correspondant à l’ancien grand cloître de la chartreuse, abrite ce chef-d’œuvre de la sculpture médiévale. Symbole de la source de vie, le puits de Moïse servait de piédestal à un monumental calvaire, exécuté de 1395 à 1405, dont la partie supérieure disparut au xviie siècle. On ne peut donc admirer que la partie basse du calvaire : une colonne hexagonale de 7 m de haut baignant dans un bassin alimenté par une source. Six grandes statues de Moïse et des prophètes David, Jérémie, Zacharie, Daniel et Isaïe sont adossées à la colonne. Un minutieux travail de restauration entrepris de 2001 à 2003, lui a rendu quelques traces bien visibles de sa polychromie originelle. Les portraits sont d’un réalisme saisissant ; la figure de Moïse, sans doute la plus impressionnante, a donné son nom à l’édifice. Chaque personnage, dans une attitude différente, exprime son affliction devant la passion du Christ avec une touchante vérité. L’ampleur et le mouvement des drapés préfigurent la sculpture baroque. Comme la plupart des pleurants du cénotaphe de Philippe le Hardi, les anges qui s’abritent sous la corniche sont l’œuvre de Claus de Werve, neveu de Sluter. Cet ensemble remarquable montre le lien entre l’Ancien et le Nouveau Testament, récurrent dans tout l’art chrétien du Moyen Âge. Il est aussi caractéristique des traditions cartusiennes et se présente aussi comme un monument dynastique, centre d’un mausolée ducal destiné à devenir un lieu de pèlerinage. Cette œuvre influença grandement la sculpture bourguignonne (collégiale Saint-Hippolyte de Poligny, abbaye de Baume-les-Messieurs) ainsi que la peinture et l’enluminure de l’époque. Plusieurs copies furent réalisées au xvie siècle (hôpital de Dijon, cathédrale Saint-Vincent de Chalon-sur-Saône) ce qui montre bien l’immense prestige qu’elle avait acquis.

Le portail de la chapelle, qui orne aujourd’hui la porte intérieure de celle-ci, a été dessiné par l’architecte Drouet de Dammartin dès 1386. Il compte cinq statues réalisées par Claus Sluter entre 1389 et 1394. De chaque côté de la Vierge à l’Enfant, placée sur le trumeau, et qui contemple avec fierté l’enfant Jésus dans un élan de tout le corps, le duc Philippe le Hardi et la duchesse Marguerite de Flandres, aux traits énergiques et particulièrement réalistes, sont représentés agenouillés, assistés de leurs saints protecteurs, saint Jean-Baptiste et sainte Catherine, sur des consoles où discutent des docteurs de la foi et des prophètes. On peut observer que le rythme extraordinaire de cette composition théâtrale sort du cadre architectural trop étroit et que Sluter a été conduit à prendre quelques libertés avec l’ordonnance stricte prévue au départ par l’architecte Jean de Marville.

 

Après cette journée particulièrement enrichissante, aux multiples aspects, le retour se fit rapidement. Nos remerciements très chaleureux vont à Denise Hugon, notre fidèle et toujours efficace responsable des sorties qui organise comme chaque année avec autant de rigueur et de passion nos journées d’études si appréciées car elles associent avec bonheur découverte culturelle, convivialité et bonne chère.

 

Légendes

Devant la maison Milsand ou Maillard, 38, rue des Forges
(architecte Hugues Sambin)

Les statues des prophètes David et Jérémie
 François Vion-Delphin. Cliché A. Bouvard

 

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